Man of Steel
est la sixième adaptation cinématographique de Superman, personnage créé par Jerry
Siegel et Joe Shuster. Trente-quatre ans après le réalisateur Richard Donner et
l’inoubliable acteur Christopher Reeves, le héros à la cape rouge et au costume
marqué d’un S revient sur le devant de la scène. Les bandes annonces publiées
tout long de l’année tenaient la promesse d'un épisode sensible, où la
disparition tragique de la planète Krypton et du souvenir de ses défunts
parents allaient hanter un Superman plus complexe que d'habitude. Est-ce un
pari réussi ? C’est ce que nous allons voir.
Henry Cavill (Clark Kent) et Diane Lane (Martha Kent).
L’histoire ?
Un petit garçon, élevé à Smallville, petite bourgade du Kansas, par des parents
adoptifs, Martha et Jonathan Kent, découvre qu'il possède des pouvoirs
surnaturels et qu'il n'est pas né sur Terre, mais sur Krypton, un monde à la
civilisation avancée aujourd’hui disparu. Plus tard, il va s'engager dans un
périple afin de comprendre d'où il vient et pourquoi il a été envoyé sur notre
planète. Mais il devra devenir un héros s'il veut sauver le monde de la
destruction totale et incarner l'espoir pour toute l'humanité…
Laurence Fishburne (Perry White) et Amy Adams.
L’idée
initiale du projet Man of Steel provient
de David Goyer, scénariste du The Dark
Knight rises de Nolan. Bloquant sur le troisième acte du film, il
décompressait en lisant de vieilles parutions de Superman. Et lors de la séance
de prépoduction du troisième volet de la saga Batman, il revint vers Nolan avec
une idée toute nouvelle en tête : et si Superman était l’histoire d’un
premier contact ? Comment l’Humanité réagirait-elle si elle découvrait sur
Terre l’existence d’un extraterrestre qui nous ressemble ? L’idée d’un
Superman plus sérieux et sombre que l’original plut à Nolan mais aussi à DC
Comics. Le projet devint rapidement un angle d’attaque important dans la guerre
financière et cinématographique que mène DC Comics contre son principal concurrent
Marvel.
Man of Steel
fut l’occasion de réunir deux grands courants contemporains du genre :
l’approche psychologique et réflexive d’un côté, la relecture geek et
virtuose, de l’autre. Christopher Nolan se chargea de l’introduction du film. On
reconnait vite son style avec ses personnages taillés dans le marbre et lançant
de grandes sentences pseudo-shakespeariennes d’un ton pénétré que la musique
d’Hans Zimmer bourdonne et explose sur la bande-son. Pour Zack Snyder, le défi
à relever était plus délicat. Il devait transformer la formule Nolan (un
super-héros torturé, un méchant ambivalent, une noirceur sous-jacente) pour
développer l’enfance du héros, entre rejet et prise de conscience de sa différence,
puis sa formation de super-héros.
Henry
Cavill prête ses traits au personnage, conférant une dimension plus actuelle à
Superman, ainsi qu’à son costume, plus proche d'un Wolverine beau gosse que de la
caricature vieillotte rouge et bleue. Henry Cavill est impeccable. Son interprétation
est efficace, divertissante et spectaculaire.
Russel Crowe (Jor-El).
Deux
acteurs interprètent les « pères » de Superman : Kevin Costner (Jonathan
Kent) et Russel Crowe (Jor-El). Kevin Costner sublime l’écran dans son rôle de
père adoptif qui « déborde d’amour pour un enfant complètement paumé qui n’est
pas biologiquement le sien », selon les propres mots de Michael Shannon (Zod). Russel
Crowe, quant à lui, tient un rôle crucial dans le film. Ses apparitions sont
rares, mais sa présence et son charisme lui permettent d’hanter le film du
début à la fin. Grâce à Jor-El, Clark Kent comprendra qu’il lui faut travestir
sa nature extra-terrestre et invincible, pour ne pas être ostracisé par un
monde inapte à accueillir un übermensch,
un surhomme.
Michael Shannon (Zod).
Mais
au loin apparaît une figure inquiétante, le général Zod. Ce n’est ni un psychopathe
mégalomane, ni un sadique. Non, c’est un militaire, un homme de discipline et d’allégeance,
entièrement voué à la protection de Krypton et de ses habitants. Il a ses
propres motivations, son but, ses espoirs. Son histoire est presque
touchante car Snyder arrive à nous faire ressentir à certains moments de la
compassion pour cet homme prêt à tout pour
sauver sa race. A cette image de l’homme militaire s’oppose celle du colonel
Hardy (Christopher Meloni), qui malgré ses apparitions furtives, marque les
spectateurs par ses moments de bravoure. Ses deux personnages interrogent
Superman sur sa nature d’homme ou de surhomme, explorant le conflit interne de
Superman entre l’inné et l’acquis.
Kevin Costner (Jonathan Kent) et Clark Kent jeune.
Malgré
tous ces éléments, Man of Steel n’est
pas parfait. La première partie est remarquable, tant sur le plan du rythme, du
fil conducteur, des scènes de bravoure, de la mise en place des personnages, et
de l’analyse sociétale sur la gestion de la différence… tout s’annonce pour le
mieux.
Malheureusement
pour le public, la dernière heure du film s'emballe pour finalement se résumer
à un combat manichéen entre un Superman quasi messianique et un général Zod superficiel.
Long, embrouillé, le final aurait mérité un meilleur traitement, quitte à être
raccourci. Alors que le début se révèle cohérent, la fin s’affranchit de ses propres
règles.
Certes,
les combats finissent par prendre le dessus, au détriment de l'histoire, mais
la qualité de la photo, de la réalisation, l'intelligence des plans alternativement
courts et longs, permettent au film de se hisser bien au-delà d'un vulgaire
blockbuster. La musique d’Hans Zimmer arrive tout de même à donner un souffle
épique à des scènes sans âme, signant au passage l’une de ses meilleures partitions.
Henry Cavill et Amy Adams (Loïs Lane).
Quelques détails ont en
outre été modernisés : les pointes d'humour, les méchants, l'univers
visuel de Krypton, les couleurs moins criardes que d’habitude, et même les
emblèmes de Clark Kent. Ce dernier est Superman avant d’être embauché au Daily
Planet, modification nécessaire pour sa relation à venir avec Loïs Lane. Car aujourd’hui,
Clark Kent ne peut plus cacher qu’il est Superman avec une simple paire de
lunettes.
Conclusion :
Une interprétation
originale et des acteurs charismatiques ne suffisent pas toujours pour une
adaptation réussie. Malgré les efforts déployés par l’équipe de réalisation de Man of Steel, le spectateur est déçu. Le
film est super, bon divertissement, mais il manque d’audace, de prise de risque :
pas de réelle relecture du mythe et absence de prise directe avec la situation géopolitique
internationale. De plus, la première partie du film, captivante et admirablement
mise en scène se trouve gâchée par un final brouillon. La Warner voulait son
quota d’effets spéciaux et de destructions, c’est fait, mais cela a nui considérablement
à la qualité du film.
Film
à voir, rien que pour le plaisir de redécouvrir Superman sur grand écran.
Note :
8/ 10.